CETA : Ratification du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada

La ratification du CETA suscite des interprétations passionnées et souvent inexactes.

Aujourd’hui, l’opinion publique est partagée et un débat sur la question de la régulation du commerce international est nécessaire. Cela traduit un besoin de transparence dans la manière dont on encadre, par le droit, les échanges internationaux car actuellement, ils ne sont soumis qu’aux règles de l’OMC et aucune exigence en matière environnementale n’existe contrairement à celles qui ont été introduites dans l’accord du CETA.

L’Europe qui protège est celle qui impose des clauses exigeantes et supérieures dans les relations commerciales entre l’UE et le Canada, notamment en ce qui concerne normes sanitaires et environnementales. Par ailleurs, cet accord introduit pour la première fois sur le marché Nord-américain des signes de qualité respectifs comme les indications géographiques protégées (IGP).

Fruit d’une intense négociation débutée en 2009 sous Nicolas Sarkozy et poursuivie par François Hollande en 2017, le CETA a pour objet le renforcement de la coopération économique entre l’Union Européenne et le Canada, la simplification de leurs échanges commerciaux et la convergence des normes autour de standards communs élevés.

Les oppositions doivent assumer la responsabilité de leurs engagements antérieurs. Au siège du Parlement Européen, les élus français socialistes et républicains ont voté pour ce texte dans sa version de 2017. Depuis, le texte final a inclus des garanties et des améliorations, en particulier à travers la mise en place d’un dispositif de surveillance ou bien l’inscription des clauses de sauvegarde environnementales.

Le CETA se présente comme un accord de nouvelle génération qui offre un modèle d’échange commercial alternatif au protectionnisme ou au libre-échange décomplexé, qui sont néfastes pour notre économie et notre environnement. Il s’agit d’un véritable cadre contraignant en matière environnementale et sanitaire, alors que l’OMC ne prévoit aucune contrainte similaire.

Dans le cadre de cet accord, le libre-échange n’est pas une menace mais une opportunité car l’agriculture française a besoin d’exporter pour créer de la valeur ajoutée sur les marchés mondiaux et des emplois. Les vins de Marmande, Duras et Buzet pourront être sur les tables canadiennes à des tarifs acceptables. Nos producteurs de Pruneaux d’Agen ont également un nouveau marché qui s’ouvre à eux.

L’accord du CETA n’est absolument pas un danger pour l’agriculture française. Ce n’est en revanche pas le cas avec le Mercosur, dont on doit rappeler que la réouverture des négociations est le fruit de la volonté de François Hollande. Le Mercosur est un non-sens alors que le CETA offre des outils de traçabilité et des contrôles sanitaires très présents.

Les inquiétudes des agriculteurs et des consommateurs européens ne peuvent pour autant être balayées d’un revers de la main et l’Union européenne doit se doter de moyens de contrôle plus efficaces, comme par exemple d’une direction des fraudes européenne afin d’éviter de nouveaux scandales alimentaires dont l’origine est intra-européenne (Roumanie, Pologne).

Vous êtes nombreux à m’interpeller sur le vote du CETA. J’ai entendu les critiques qui traduisent une véritable inquiétude et je tiens à vous répondre et à défendre ma position en faveur de cet accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, deux puissances commerciales amies et signataires de l’Accord de Paris sur le climat. Cependant, expliquer et analyser un texte de plus de mille pages demande du temps et de la précision. Plutôt que de d’agiter des fantasmes anxiogènes ou diffuser des fausses informations, je préfère détailler point par point les faits qui m’ont conduit à me faire une opinion favorable de ce texte.

1. Non, le CETA ne conduit pas à un nivellement par le bas de nos normes sanitaires

On veut nous faire croire que demain, les Français auront dans leurs assiettes du bœuf aux hormones ou du saumon transgénique et que les députés qui ont voté ce texte laissent la porte grande ouverte aux importations pour remettre en cause nos normes sanitaires, qui sont exigeantes et élevées. C’est faux.

Le CETA ne remet en cause, ni aujourd’hui, ni demain, la réglementation européenne en vigueur

Le CETA ne modifie en aucune manière les normes sanitaires qu’applique l’Union européenne aux produits alimentaires importés, et notamment aux produits d’origine animale. Le Canada a des normes sanitaires différentes, c’est un fait. Mais le Canada est un Etat souverain auquel l’Union européenne ne peut imposer ses propres normes, et l’inverse est également vrai. Le Canada, 10e puissance économique mondiale et 37 millions d’habitants, ne vont pas faire reculer les normes applicables au sein de la 2e puissance économique mondiale avec de plus de 500 millions d’habitants.

La réglementation européenne relative aux farines animales reste valide.

Il faut à tout prix éviter la confusion entre farines animales et protéines animales transformées. Les premières sont produites à partir de restes d’animaux impropres à la consommation et sont interdites dans l’UE, tandis que les secondes sont produites à partir de restes sains et consommables mais non mis en vente pour des raisons commerciales (aspect ou morceau non noble) et sont autorisés que de manière limitée dans l’UE.

Le Canada interdit également l’alimentation de ses ruminants avec des farines de viandes et d’os issues de ruminants depuis 1997. En revanche, à la différence de l’Union européenne, le Canada n’interdit pas l’utilisation de protéines animales transformées car aucun risque sanitaire n’a pu être mis en avant.

En ce qui concerne les antibiotiques, leur présence dans les produits d’origine animale est soumise à des seuils maximums de résidus (LMR) qui sont fixés au niveau européen. L’usage des antibiotiques n’est autorisé qu’à des fins médicales curatives ou préventives mais pas à des fins de stimulation de croissance.

Des garanties suffisamment élevées

Les importations canadiennes vers la France ont diminué de 6,6% en 2018. Si le Canada n’a pas massivement exporté vers l’Union européenne c’est parce qu’il n’est que marginalement outillé pour répondre à la demande française et notamment remplir le cahier des charges d’une filière sans hormone, qui est la seule acceptée pour l’exportation vers l’Europe. Seulement 36 fermes canadiennes sont agréées sur 75 000, car elles peuvent nous exporter du bœuf sans hormones. Il est donc faux de dire que c’est du bœuf aux hormones que l’on va retrouver dans nos assiettes en ratifiant le CETA.

La Commission européenne se donne les moyens d’assurer un contrôle conforme à ces exigences. Elle a mené 16 audits au Canada depuis 2001 afin de s’assurer de l’efficience des contrôles sanitaires mené par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Le dernier audit de 2016 a donné des résultats satisfaisants. Un nouvel audit sera mené en septembre 2019. De plus, les animaux, les végétaux et leurs produits sont soumis à un contrôle documentaire et d’identité systématique à la frontière. Un contrôle physique et des tests aléatoires en laboratoires sont également conduits pour vérifier l’absence de résidus de substances interdites. Au plan sanitaire et phytosanitaire, 52 lots de viande bovine ont été contrôlés et aucune irrégularité n’a été constatée.

2. Non, le CETA ne va pas provoquer une déstabilisation de nos filières agricoles

Demain, nous allons subir une concurrence déloyale de la part du Canada, et les filières agricoles sensibles seront les premières à en subir les conséquences négatives. Cette affirmation est également fausse.

Aucun territoire ou filière n’a subi de conséquences négatives liées au CETA

En 2018, année pleine d’application provisoire du CETA, les exportations en provenance du Canada ont été marginales. Le Canada n’a exporté vers la France que 12 tonnes équivalent carcasse de viande bovine soit 24 animaux dans le cadre des contingents tarifaires alloués dans le cadre du CETA, pour un marché de consommation domestique de 1,5 millions de tonnes, ce qui représente seulement 2% du quota.

A l’inverse, les exportations françaises vers le Canada ont augmenté de 6,5% sur 2018. Le secteur des produits laitiers par exemple a particulièrement bénéficié de cet accord de libre-échange car les exportations ont augmenté de 19% pour 2018.

Par ailleurs, le gouvernement s’est engagé à suivre de manière méticuleuse toute évolution des flux sur les filières sensibles, dans le cas – hypothétique – d’une inversion de tendance. C’est pourquoi il a mis en place un comité de suivi des filières agricoles sensibles qui réunira tous les 6 mois les directeurs des administrations en charge du suivi de la politique commerciale (DG Trésor, MAA, MTES, MEAE) et de la collection des données (FAM, DGDDI, SSP, DGEC, SER) sous la présidence de la Secrétaire générale aux affaires européennes.

Le CETA protège les savoir-faire français

Il a été trop peu souligné une avancée considérable pour nos territoires. L’accord mentionne 42 indications géographiques protégées (IGP) afin de les préserver sur le marché canadien. L’accord permet ainsi aux petites et moyennes entreprises d’accéder à un nouveau marché, et nous avons beaucoup de réussites exemplaires. L’augmentation des quotas d’importation a permis au savoir-faire et à l’excellence du secteur fromager français de se répandre comme le montre la réussite de la fromagerie Delin qui réalise désormais 43% de son chiffre d’affaire à l’international, dont 12% sur le seul marché canadien. Et nous pouvons nous réjouir, en Lot-et-Garonne, de voir inscrit les pruneaux d’Agen dans le CETA afin qu’ils bénéficient d’une protection sur le marché canadien avec la reconnaissance de cet IGP.

3. Non, le CETA ne poursuit pas les intérêts des multinationales

Le CETA est un accord progressiste qui reconnait explicitement le rôle de l’Etat pour agir dans l’intérêt public. Ainsi le droit des Etats à réguler est protégé par cet accord.

Un contrôle démocratique exigeant

La majorité avec le Gouvernement a fait bouger les lignes. C’est la première fois que des députés se sont emparés ainsi d’un accord commercial. Un groupe de travail s’est saisi du CETA depuis plus de 18 mois et un plan d’action pour une mise en œuvre du CETA a été rendu public par le gouvernement le 25 octobre 2017 suite aux recommandations adressées par les députés.

Le respect du principe de précaution garanti

Un instrument interprétatif juridiquement contraignant a été signé en octobre 2016 et souligne que l’UE et le Canada « réaffirment les engagements qu’ils ont pris en matière de précaution dans le cadre d’accords internationaux ». Le Conseil constitutionnel a ensuite rendu une décision le 31 juillet 2017, affirmant que l’ensemble des dispositions du CETA permettent de garantir le respect du principe de précaution car notamment, les parties sont tenues d’assurer et d’encourager des niveaux élevés de protection de l’environnement, de s’efforcer d’améliorer continuellement leur législation et leurs politiques en la matière de même que les niveaux de protection sur lesquels elles reposent.

Un mécanisme d’arbitrage public, impartial et indépendant

Un système innovant d’arbitrage pour les investissements a été mis en place par cet accord. Il s’agit d’une juridiction publique composée de magistrats professionnels et indépendants qui met fin à l’arbitrage privé qui prévalait dans les accords bilatéraux jusqu’ici.

Ce nouveau système présente trois innovations majeures, mises en avant par la « Commission Schubert » elle-même : l’établissement d’un tribunal permanent, des juges nommés de manière transparente et l’instauration d’un mécanisme d’appel.

Un « véto climatique » pour protéger l’Etat contre les recours abusifs

Le « véto climatique » est un mécanisme contraignant qui apporte une garantie supplémentaire visant à préserver le droit des Etats à réguler, notamment en matière climatique, et d’éviter tout recours abusif par un investisseurs étrangers. Il ne concerne pas que le climat, mais tous les objectifs légitimes de politiques publiques. L’alinéa 5 de l’annexe aux règles de procédure du comité mixte indique que le véto « lie le tribunal et le tribunal d’appel ». Il s’agit donc bien d’un mécanisme contraignant.

4. Non, le CETA n’est pas contraire à nos engagements internationaux en matière environnementale

Certes, seulement 13 pages de l’Accord portent sur l’environnement, mais cet accord négocié par la droite, puis par la gauche sous François Hollande, est antérieur à l’Accord de Paris sur le climat. En revanche, dans le cadre des déclarations interprétatives juridiquement contraignantes signées en octobre 2016, nous avons pu renforcer les engagements liés à l’Accord de Paris. Le CETA impose dans son article 24.4 le respect des accords environnementaux et une clause de dénonciation est prévue à l’article 30.9, donc il serait possible de l’utiliser si le Canada décidait de sortir de l’Accord de Paris a déclaré mercredi 17 juillet, le Ministre Jean-Baptiste Lemoyne.

Cela témoigne de notre niveau d’exigence envers nos partenaires en matière environnementale, en cohérence avec la décision du Président de la République de s’opposer à l’adoption des mandants de négociation avec les Etats-Unis qui ont quitté l’Accord de Paris. Lors de chaque négociation commerciale, la France demande que le caractère effectivement contraignant du chapitre sur le développement durable soit reconnu. Il s’agit d’un engagement d’Emmanuel Macron rappelé à l’occasion de la 73ème Assemblée générale des Nations unies, de conditionner la conclusion de tous nos futurs accords commerciaux au respect de l’Accord de Paris. Le CETA est donc cohérent, car notre partenaire commercial est un Etat démocratique, qui partage nos ambitions en matière environnementale.